cryptomonnaies-4devises (Crédits: Pexels - Worldspectrum)
bitcoin a perdu plus de 20 % depuis son record d'octobre, ravivant le spectre d'un nouveau marché baissier. Le marché hésite actuellement entre une simple correction et un véritable retournement de cycle.
En bref
Bitcoin a perdu plus de 20 % depuis son ATH, entrant techniquement en bear market.
Deux voies possibles : une correction courte ou un véritable marché baissier post-halving.
Le contexte macro joue toutefois en sens inverse : le resserrement monétaire est terminé, limitant le risque d'un cycle prolongé.
Le Bitcoin a-t-il basculé en marché baissier ? Après une année 2025 marquée par des records historiques et une adoption institutionnelle sans précédent, la question agite désormais autant les desks de trading que les forums Telegram. En quelques semaines, l'actif a perdu plus de 20 % depuis son sommet de 126 080 dollars atteint en octobre, passant sous la barre symbolique des 100 000 dollars et touchant même les 95 000 dollars vendredi.
Un seuil technique qui, selon la définition classique, marque officiellement l'entrée en “bear market” (marché baissier). Mais derrière ce signal mécanique se cache une réalité plus nuancée, où se mêlent dynamique macro, épuisement des flux, contraintes fiscales américaines et signaux contradictoires envoyés par les marchés traditionnels.
Pour comprendre ce qui se joue, Eliézer Ndinga, directeur de la recherche chez 21Shares, livre une analyse intéressante. Pour lui, les ingrédients d'un bear market “classique” sont facilement identifiables : une baisse supérieure à 20 %, une détérioration du sentiment, un recul des volumes et une défiance croissante face au risque. Bitcoin remplit aujourd'hui ces critères.
Mais l'histoire montre qu'il existe deux types de cycles baissiers : les longs marchés baissiers de type “cyclique”, où Bitcoin corrige en moyenne de 84 % sur plus de deux ans ; et les corrections courtes, proches de –36 %, qui durent quelques mois avant un retour à la tendance haussière. L'enjeu, en 2025, est de déterminer dans quelle catégorie cette nouvelle phase s'inscrit.
Plusieurs signaux rendent l'exercice délicat. Sur un plan historique, le calendrier plaiderait plutôt pour un cycle baissier prolongé : les grands bear markets de Bitcoin apparaissent souvent dans les deux années qui suivent un halving. Or le dernier halving a eu lieu en 2024, exactement dans la zone temporelle où ces renversements se matérialisent. Autre élément troublant : octobre 2025 s'est soldé par une performance négative, une configuration qu'on n'avait plus observée depuis 2018, quelques semaines avant l'un des marchés baissiers les plus longs du cycle précédent.
Les politiques monétaires actuelles incompatibles avec un vrai “bear market” ?
Mais cette lecture “historiquement cohérente” se heurte à un environnement macroéconomique inédit. Les cycles baissiers antérieurs étaient presque toujours déclenchés par un resserrement monétaire brutal : 2018, puis 2022 lorsque les banques centrales ont retiré de la liquidité à marche forcée.
En 2025, la situation est inversée : la période de resserrement vient de se terminer et l'économie s'oriente vers un assouplissement graduel. Pour Eliézer Ndinga, ce point change tout. L'absence d'un choc macro majeur plaide pour un bear market court, à moins qu'un événement exceptionnel (un hack systémique ou une faillite d'envergure) ne vienne enfoncer le marché dans une spirale plus profonde.
Wintermute envisage une capitulation proche des investisseurs
Cette hypothèse d'un marché baissier “non structurel” trouve un écho dans une autre lecture, celle de Wintermute. Le market maker britannique observe depuis plusieurs mois un phénomène inhabituel : une asymétrie persistante entre Bitcoin et le Nasdaq. Si la corrélation reste élevée, autour de 0.8, Bitcoin ne réagit presque plus à la hausse des marchés actions. En revanche, il amplifie chaque mouvement de baisse.
Ce comportement, appelé “performance skew”, est typique des phases de capitulation… mais il apparaît cette fois alors que Bitcoin évolue toujours à moins de 20 % de son plus haut historique. Autrement dit, les prix tiennent, mais le marché est épuisé.
Cet épuisement s'explique par un double mouvement. D'un côté, le “mindshare”, cette attention collective qui alimente les narratifs de marché, s'est massivement déplacé vers les actions technologiques. En 2025, les méga-capitalisations du Nasdaq captent l'essentiel des flux, au détriment d'un écosystème crypto qui n'a pas retrouvé l'énergie spéculative des cycles précédents. De l'autre, la liquidité structurelle de la crypto s'est fragilisée : la croissance des stablecoins marque le pas, les entrées dans les ETF ralentissent et la profondeur de marché sur les plateformes n'a pas retrouvé ses niveaux d'avant 2024.
Dans cet environnement, Bitcoin reste corrélé au risque global, mais il ne bénéficie plus de son “premium narratif” lors des phases d'optimisme.
À ces facteurs s'ajoute une dynamique géographique, mise en avant par les analystes de CryptoQuant : la pression vendeuse vient très majoritairement des États-Unis. Selon eux, la correction actuelle “est avant tout américaine”, alimentée par un stress de liquidité domestique, des prises de profits d'investisseurs long-term motivées par leurs obligations fiscales, et une vente persistante des traders américains.
Cette concentration géographique du sell-off contribue à accentuer les mouvements baissiers, même lorsque le reste du monde apparaît plus neutre ou acheteur.
Ce cocktail (corrélation élevée, asymétrie négative, liquidité fragile, pression fiscale et ventes américaines) ressemble davantage aux signaux observés en fin de marché baissier qu'en sommet de cycle.
Paradoxalement, Bitcoin résiste bien au choc
De manière paradoxale, le fait que Bitcoin ne décroche pas plus violemment malgré ces vents contraires suggère une certaine résilience. Son adoption institutionnelle continue de progresser, la discipline de son offre reste inchangée et sa sécurité réseau n'a jamais été autant valorisée. Aucun de ces fondamentaux n'est remis en cause.
Alors, sommes-nous réellement entrés en bear market ? La réponse dépend en réalité de la temporalité que l'on adopte. À court terme, tous les signaux convergent : Bitcoin évolue dans une séquence baissière, avec un sentiment détérioré et une dynamique de flux en retrait. Mais à plus long terme, ni l'environnement macroéconomique ni les fondamentaux du réseau ne justifient, pour l'instant, un basculement dans un cycle prolongé comme celui de 2018 ou 2022. Le marché est fatigué, pas brisé.
La question n'est donc pas “sommes-nous en bear market ?” mais “combien de temps cette phase d'essoufflement va-t-elle durer ?”. Et de ce point de vue, tout indique que 2025 pourrait s'apparenter à l'un de ces intermèdes baissiers qui préparent la suite du cycle, plutôt qu'à la fin d'une époque.
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